Les réseaux d'initiative publique en France : le point en 2018
Le déploiement du très haut débit sur le territoire s'articule principalement autour de deux axes : les initiatives privées (opérateurs) au sein des zones les plus denses, et les initiatives publiques au sein des zones plus rurales. Gros plan sur les modalités de lancement des réseaux d'initiative publique (RIP), l'état des lieux en 2018 et les perspectives du segment dans les années à venir.
Qui lance un RIP, pourquoi et comment ?
Dans le cadre du Plan France Très Haut Débit lancé en 2013, les collectivités ont la possibilité de développer leur propre réseau d’initiative publique pour équiper sociétés, particuliers et services publics en très haut débit.
Des réseaux d'initiative publique pour raccorder les zones les moins denses

L’objectif de ce plan est d’équiper 100% du territoire français en très haut débit d’ici à 2022, afin de renforcer l’attractivité et la compétitivité de la France par rapport aux autres pays et de proposer à tous les citoyens, quel que soit leur lieu de résidence, un accès à un internet performant. Contrairement à ce qui se faisait auparavant, le déploiement de la fibre optique se fait en simultané entre grandes métropoles et zones plus faiblement peuplées, via des dynamiques différentes. Dans les zones à forte densité (ZTD), ce sont principalement les OCEN (Orange, SFR/Numericable, Bouygues Telecom et Free) qui déploient l’accès THD. A terme, plus de 57% de la population française devrait accéder à la fibre optique via des réseaux construits et déployés par les opérateurs privés au sein de ces zones. Pour le reste des raccordements, ce sont les collectivités territoriales qui ont la tâche d'initier le processus de construction de réseaux THD à destination de tous et ouverts aux différents opérateurs, appelés réseaux d’initiative publique.
Plusieurs cadres juridiques : DSP, PPP, exploitation en régie, etc.
Ces projets peuvent être engagés à plusieurs niveaux : communal, intercommunal, départemental, régional… La plupart du temps, c’est la collectivité qui lance en premier lieu un appel d’offre. Peuvent y répondre les opérateurs nationaux cités plus haut ou des opérateurs d’infrastructures tels que Axione, Altitude Infrastructure ou Tutor – Covage par exemple. L’opérateur peut ensuite s’associer à la collectivité de plusieurs manières via des contrats publics.
Si la collectivité décide de faire construire et exploiter son réseau très haut débit par une société privée tierce, elle a le choix entre deux formes juridiques : la Délégation de Service Public (DSP) ou le contrat de Partenariat Public-Privé (PPP). Ce sont les deux cas les plus courants aujourd’hui en France. Dans le cadre d’une DSP, c’est la société privée qui construit le réseau à ses frais, et qui a ensuite le droit de l’exploiter et de percevoir des redevances de la part des clients finaux. Le projet Manche Fibre est par exemple une DSP gérée par Altitude Infrastructure qui doit permettre d’équiper 300 000 foyers en FTTH sur le département de la Manche.

Le contrat de PPP fait quant à lui référence à une mission globale de construction, de maintenance et d’exploitation du réseau, ainsi que tout ou partie de son financement. Axione a par exemple passé un contrat de PPP avec le département des Hautes-Pyrénées pour la mise en place d’un réseau de collecte en fibre optique, surtout auprès des ZAE via l’installation de prises FTTB. Si la collectivité construit son réseau puis décide de le faire exploiter par un tiers, elle pourra passer par un marché de services, un contrat de PPP de service, la régie intéressée ou l’affermage. Somme Numérique a par exemple attribué l’affermage de son RIP à Tutor (racheté depuis par Covage). La société privée peut ainsi exploiter le réseau déjà construit en reversant des redevances directement à la collectivité. Enfin, si la collectivité veut tout gérer depuis la construction jusqu’à l’exploitation de son réseau, elle peut lancer un marché public puis l’exploiter en régie, à condition d’avoir des moyens humains et techniques importants. Cette solution lui permet néanmoins de garder une maitrise totale du service public qu’elle propose. C’est la solution qu’a choisi Auvergne Numérique sur 4 départements et 6 communautés d’agglomération de la région.
Le déploiement de la fibre optique via des RIP en 2018 : quelques chiffres
Près de 5 ans après le lancement du Plan France très haut débit en 2013, une analyse des projets engagés est maintenant possible. Début 2017, 87 projets de RIP avaient été déposés à l’Agence du Numérique, 76 d’entre eux validés et lancés sur 95 départements.
Plus de 11 millions de prises FTTH au 31 mars 2018...
Selon l’Observatoire des marchés des communications électroniques de l’ARCEP au premier trimestre 2018, 11 millions de logements sont éligibles au réseau FTTH (cf. cartes de couverture) pour plus de 3,6 millions d’abonnés FTTH et 7,5 millions d'abonnés THD (FTTH, câble, VDSL2).

Ce sont pour l'instant principalement les zones très denses et les zones AMII qui sont raccordées au réseau FTTH, mais la couverture progresse sensiblement au sein des zones moins denses disposant d'un RIP.
... dont 1,3 million via des réseaux d'initiative publique
Plus spécifiquement sur les réseaux d’initiative publique, selon l’ARCEP au 31 mars 2018 plus de 1,3 million de prises ont été déployées pour environ 300 000 abonnés.

Malgré tout, le taux de mutualisation (c’est à dire la proportion du réseau sur laquelle au moins 2 opérateurs sont présents) reste assez faible, autour des 30%. Ce qui veut dire que sur près de 70% des RIP, un seul opérateur propose un accès au très haut débit dans ces zones.

De nombreux RIP viennent de voir le jour et ont été démarrés en 2017. C’est par exemple le cas en Savoie avec la DSP THD73 entre le département et l’opérateur d’infrastructures Axione. D’autres RIP devraient également se développer sur les régions de la Guadeloupe et de la Guyane via la mise en place de prises FTTH et FTTN, sans oublier aussi le déploiement d’un réseau optique sous-marin. Avec une croissance du chiffre d’affaires d’environ 25% entre 2015 et 2016 et encore plus de deux tiers des zones faiblement peuplées à équiper en très haut débit, le marché des RIP semble avoir encore de belles années devant lui. Le secteur devrait d’ailleurs continuer à mobiliser des effectifs sur tout le territoire français dans les années à venir. La filière accueille également de nouveaux entrants, comme par exemple Vitis (opérateur FVNO) et TDF (opérateur d’infrastructures), ce qui devrait participer à l'intensification de la concurrence sur le segment.
Des réseaux publics qui pourraient davantage attirer les opérateurs historiques à l'avenir
Les opérateurs historiques (OCEN) commencent à montrer de plus en plus d'intérêt pour les réseaux d'initiative publique.
L'arrivée progressive d'opérateurs historiques sur les RIP
En effet, le nombre de prises FTTH/FTTO installées dans les zones rurales devrait augmenter fortement : on devrait passer à 15 millions de prises en 5 ans, et donc autant d’abonnés potentiels. Chiffre à mettre en parallèle avec le nombre de prises FTTH/FTTO sur les zones très denses qui devrait n’atteindre quant à lui que 7 millions, toujours selon l’Observatoire des RIP.

Certains OCEN ont fait des annonces concernant les RIP :
- Bouygues Telecom propose désormais ses offres sur les RIP d’Axione (en Indre-et-Loire ou dans la Sarthe par exemple) et d’Altitude Infrastructures (depuis début septembre 2017 sur le RIP Manche-Fibre et le RIP Rosace)
- Free a évoqué des accords en cours de négociation avec Axione
Fin avril 2017, Orange a annoncé avoir remporté un nouvel appel d’offres en Loire-Atlantique pour le déploiement de 108 000 prises d’ici fin 2021. L’opérateur est également présent sur une vingtaine de consultations, confirmant ainsi son intérêt croissant pour ces réseaux publics. SFR Collectivités est également déjà bien implanté sur les RIP, avec plus de 200 000 prises déployées.
RIP, ZMD et ZTD : qui s'en sort le mieux ?
Face aux RIP et aux zones très denses, demeure par contre une typologie de zones en retard au niveau du déploiement de la fibre optique : les zones AMII. Au sein des zones moyennement denses, un opérateur s'est engagé à déployé le réseau mais à l'échelon national, les retards semblent s'accumuler.

Orange reste le principal opérateur sur ces zones, mais les objectifs affichés sont encore loin d'être atteints. Selon l’ARCEP, au 31 mars 2018, seulement 4,7 millions de prises FTTH/FTTO ont été déployées ou sont en cours de déploiement dans ces zones, alors que l’objectif est d’atteindre 13 millions de prises d’ici 2020. Pour respecter les délais, il faudrait donc fortement augmenter la cadence des travaux au sein des zones AMII. Élus, habitants et entreprises de ces zones commencent d’ailleurs à grincer des dents, comme cela s’est déjà passé sur la DSP des Hauts-de Seine résiliée en 2015 suite à des retards pris par Sequalum (filiale de SFR-Numericable) et cédée en 2017 à Covage.